Quelle place notre société a-t-elle donnée aux enfants, aux ados et aux étudiants depuis le début de la crise sanitaire ? Des « objets du décor », tantôt tenus pour responsables, tantôt simples tributaires de mesures prises pour les adultes… Les travailleurs de la jeunesse et les parents (qui en ont la force ou la possibilité) sont les seules interfaces entre le pouvoir politique et les jeunes. À la fois chargés d’appliquer des protocoles parfois incohérents et d’expliquer au mieux une situation inédite pour tous, ils occupent un rôle clé.
Peu d’études ont été menées dans notre pays pour récolter la parole des enfants, des jeunes et des professionnels. Notons celles réalisées par des acteurs de la jeunesse, telles que la Coordination CRH ou encore Latitude Jeunes.
Fortes tensions ressenties par les jeunes
Nous pouvons d’ores et déjà pointer que le confinement fait naître des tensions fortes auprès de nos publics. La priorité donnée à la santé (qui se comprend amplement) n’a pas comme unique impact la crise économique mais aussi la restriction draconienne de la vie sociale. Les adolescents et jeunes adultes sont particulièrement touchés par le manque de vie sociale. Avoir 20 ans en 2020 n’est pas très réjouissant. En effet, les jeunes dès 12 ans ont « besoin du dehors (les autres, les amis) mais aussi besoin « du dedans » (besoin d’être seuls, d’avoir leur monde, leurs frontières, leur espace à penser, imaginer, rêver) ».
Une étude de l’ULiège sur le vécu des jeunes de 12 à 18 ans, de mars à juin 2020, démontre l’impact important du confinement et de la pandémie. Ils sont 80% à avoir développé un niveau d’anxiété plus élevé que la norme et 9% d’entre eux ont confié avoir
ou avoir eu, depuis le début de la crise sanitaire, des pensées, gestes suicidaires, et/ou d’automutilation. « Il sera essentiel de proposer par la suite aux jeunes un espace pour décoder, débriefer ce qui a été vécu et ce qui est à vivre.»
Pour les jeunes de moins de 30 ans, 22% se disent confiants en l’avenir, 21% sont révoltés et 32% se disent résignés. Ceci concerne encore davantage les jeunes lésés par les iniquités sociales des mesures sanitaires que ce soit en termes de logement,
de fracture numérique ou encore de climat familial.
La société attend des jeunes qu’ils se montrent responsables et autonomes. Mais comment s’en montrer capable quand on se trouve face à une communication globale répressive et que les étudiants se voient dans l’obligation de prudence de rentrer chez leurs parents ?
Les jeunes ont besoin de se sentir acteurs de la vie et pourtant, la situation actuelle les contraint à subir une passivité. La politique sécuritaire envers la jeunesse se ressent d’autant plus aujourd’hui par le biais des nombreuses Sanctions Administratives Communales envers les mineurs, à défaut d’une communication ciblée dans l’idée d’une réduction des risques.
Leur image vacillante de l’autorité entraine indubitablement leur méfiance envers les politiciens et les médias, parfois jusqu’aux théories conspirationnistes et aux fake news.
Selon un sondage français de l’IFOP d’octobre 2020 (1017 personnes de 18 à 29 ans), les jeunes adultes ne sont pas insouciants. Alors que 87% s’inquiètent de devoir éponger les dettes dues à la pandémie, 78% pointent le manque de vie sociale et 66% d’entre eux se sentent injustement accusés d’être responsables du rebond de contaminations de la seconde vague.
Et le rôle des associations de jeunesse ?
Dans ces temps troublés et peu propices au développement optimal des jeunes de 12 à 30 ans, que pouvons-nous faire ?
Certains adolescents ne sont ni dans le déni de la force de cette pandémie, ni paralysés par le stress que cela génère, mais profitent de cette période pour rêver à un monde meilleur et commencer à le construire dans leur tête. Les jeunes adultes, quant à eux, promeuvent les valeurs, telles que la soif de liberté, la solidarité et l’égalité. Des termes trop peu relayés dans les médias ou les discours politiques à leur sujet.
En tant qu’association de jeunesse, nous avons un rôle à jouer dans le soutien et l’implication sociale des jeunes. Il est de notre devoir d’expliquer les mesures, d’être positif, de (re)créer des liens et de valoriser ces adultes à venir en leur donnant de l’espoir. Il est, toujours et d’autant plus, primordial de proposer aux jeunes des lieux d’expression où venir déposer leurs états d’âmes, développer des projets positifs et être en contact avec d’autres.
Arc-en-Ciel se met en projet avec les jeunes
En mars 2020, l’Opération Arc-en-Ciel avait été fauchée en plein vol par l’arrivée de la pandémie sur le territoire européen. Aujourd’hui, nous sommes à l’aube de sa 67e édition, prévue pour mars 2021. Cette édition sera différente car le porte-à-porte est impossible au vu des mesures de distanciation nécessaires à la protection de tous.
Nous souhaitons que cette action porteuse de sens et de valeurs soit l’occasion pour des milliers de jeunes de se mettre en projet et de retrouver le plaisir d’être utiles à d’autres. C’est pourquoi dès janvier 2021, nous demandons aux Conseils communaux des enfants et des jeunes, aux jeunes fréquentant une Maison de Jeunes ou une Ecole de devoirs, de se mettre en mouvement et d’organiser une récolte à petite échelle.
En outre, Arc-en-Ciel a la grande chance d’avoir des membres issus de secteurs divers (enfance, jeunesse, aide à la jeunesse, lutte contre la pauvreté, etc.). L’ensemble de ces associations ont à leur charge des milliers d’enfants et de jeunes. L’un de nos rôles est aussi de porter la voix de ces centaines de professionnels qui ont dû faire face à des situations pénibles et inédites (voir la carte blanche du 2 septembre 2020).
Il s’agit ici de nourrir les politiques de l’expertise venant du terrain. Lors de la journée du 27 septembre dernier à Walibi par exemple, nous avons demandé aux éducateurs présents de s’exprimer par un mot sur leurs représentations de la crise sanitaire. Cet exercice nous a poussé à aller plus loin et à offrir aux travailleurs des lieux d’échange de pratiques. Un projet en ce sens est en cours de réflexion… Rendez-vous en 2021 pour la suite car malheureusement, la crise sanitaire nous accompagnera encore pendant quelque temps. Mais dès aujourd’hui, soyons confiants envers les jeunes et les travailleurs qui se donnent au maximum pour leur mission !
Coralie Herry
Coordinatrice pédagogique
Cette article a été diffusé dans le Pério d’Arc-en-Ciel de Novembre/Décembre/Janvier 2020-2021, disponible dans son intégralité ici (7 Mo).
Source principale : Webinaire du Délégué général aux droits de l’enfant (26/10/2020)